lundi 1 juillet 2013

Sénégal: Des lobbies ont monté des groupes de presse pour préserver leurs intérêts (SG SYNPICS) Ibrahima Khaliloulah Ndiaye SG SYNPICS (Sénégal)


Ibrahima Khaliloulah Ndiaye SG SYNPICS (Sénégal)
ALAKHBAR (Nouakchott)- Il y a des lobbies qui ont monté des groupes de presse au Sénégal, rien que pour préserver leurs intérêts, a révélé le Secrétaire général national du Syndicat des Professionnels de l’information et de la Communication du Sénégal (SYNPICS). 

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye a ajouté, dans cette interview accordée à Alakhbar, mardi 25 juin courant à Nouakchott : « Nous pensons qu’il y a eu, jusqu’à une époque récente, un octroi abusif de licences de presse» au Sénégal. 

ALAKHBAR: Quelles sont les difficultés de la presse sénégalaises ?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: La presse sénégalaise, comme toute presse, vit des difficultés variées et différentes d’un organe de presse à un autre. Ce qui veut dire que si on prend la presse publique, elle est différente de celle privée. Dans le privé également,  il y a des distorsions qui s’expliquent par la durée, le sérieux ou par l’implantation des organes.

En effet, depuis plus d’une année, depuis la survenue de la deuxième alternance, on a noté la fermeture d’organes de presse, comme Canal Info News et Africa 7, des organes qui ne parviennent pas à honorer les charges salariales de leurs employés ou qui licencient des travailleurs.

Même là où il y a une lueur dans le domaine public, il y a souvent des retards de salaires.

Cela dit, je pense que fondamentalement la situation est liée à l’environnement économique, mais surtout à la création des entreprises de presse. La  presse vit de la publicité, alors que le marché économique n’est pas grand. Il faudrait que l’on puisse avoir un marché très conséquent et des publicités régulières. Pour cela, il faudrait que le journal, la radio ou la télévision puisse asseoir une crédibilité qui ferait que les annonceurs puissent lui faire confiance. Maintenant, le marché étant étroit et le nombre d’entreprises de presse très élastique, il y a une question qui se pose: Où est ce que ces entreprises pourront trouver leur salut ?

ALAKHBAR: Pourtant, la publicité passe en boucle sur certaines télés sénégalaises.

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: La publicité passe sur certaines télés, mais pendant combien de temps encore ? Comment ceux qui n’ont pas de revenus publicitaires pourront-ils s’en sortir ? Ça nous ramène à la question fondamentale de la création des entreprises de presse et à s’interroger sur le souci qui guide ceux qui se lancent dans cette aventure, parce que nous pensons qu’il y a eu, jusqu’à une époque récente, un octroi abusif de licences de presse.

Étant entendu que le régime de la presse écrite est très libre au Sénégal, on peut lancer son journal sans autorisation préalable. Mais, par rapport à la radio et à la télé, qui constituent des supports lourds, le drame c’est quand on ne respecte pas les cahiers de charge pour avoir des licences. Quand on leur octroie ces licences, c’est qu’ils peuvent avoir tendance à se lancer dans des calculs ou à la préservation d’intérêts inavoués.

ALAKHBAR: Voulez-vous dire que des  médias sénégalais ont été créés en dehors des objectifs professionnels ?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: C’est là où je remets le doigt. Il y a des lobbies qui ont monté des groupes de presse, rien que pour préserver leurs intérêts. 

On ne peut pas daigner à quelqu’un qui a la volonté de se lancer dans une entreprise de presse de la faire. Mais, il faudrait quand même un respect des cahiers de charge, que les gens soient soumis aux rigueurs de la loi, et qu’ils ne puissent pas, du jour au lendemain, créer une entreprise de presse et la fermer parce qu’elle ne fait pas de profit ou qu’elle ne répond plus à leurs attentes.

ALAKHBAR: Quelles sont alors les violations les plus remarquées des cahiers de charge?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: Les violations les plus remarquées c’est qu’on puisse octroyer, par la plus haute autorité du pays, une licence sans pour autant que celui qui demande ne fasse pas le circuit nécessaire. Si l’entrepreneur va directement voir l’autorité politique suprême, et qu’elle se voit délivré une licence, c’est là le comble de la violation.

ALAKHBAR : D’autre part, on assiste au Sénégal à une forte transhumance des journalistes depuis la libéralisation de l’audiovisuel. Peut-on parler là de concurrence déloyale ?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: On ne peut pas parler de concurrence déloyale. C’est la règle du marché. En fait, je ne vois pas de mal que les gens puissent faire leur mercato, comme on dit, qu’ils puissent aller d’un organe à un autre. C’est à la libre appréciation de tout un chacun. L’essentiel que ces journalistes puissent en tout lieu garder leur professionnalisme.
Mais, je pense qu’il ne faut pas être obnubilé par la ponctualité ou par le gain facile.

ALAKHBAR: Pensez-vous que la presse écrite sénégalaise est en perte de vitesse  avec la libéralisation de l’audiovisuel ?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: La plus grande concurrence provient des sites d’information qui pompent les articles qui les reprennent sans avoir déboursé rien du tout. Avec l’Internet, les gens se connectent, et ils n’ont plus le besoin d’acheter un journal.

Quant aux télés et radios, elles sont des médias comme les autres, des supports comme la presse écrite, et le travail que fait la presse écrite n’est pas forcément celui de l’audiovisuel.

Maintenant, la vitesse de l’internet ne veut pas dire que le support papier n’a plus son importance. C’est vrai que le papier est en perte de vitesse, mais ça ne veut pas dire que c’est sa mort immédiate.

ALKHBAR: Il existe déjà un cadre juridique pour la presse en ligne en Mauritanie. Qu’en est-il du Sénégal ?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: Il y a un projet de code de la presse que nous voulons faire passer. Il ne laissera pas en rade la presse numérique. Il faut aussi mettre les gens devant leur responsabilité; s’ils veulent être des sites d’information véritablement qu’ils aient des journalistes en ligne.

ALAKHBAR : Quelle est la situation de la liberté de la presse au Sénégal ?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: La presse, elle est libre au Sénégal. Le Sénégal est un pays qui a une presse depuis plus de deux siècles. C’est un legs colonial depuis le temps des Français. Et on parle de la dépénalisation des délits de presse qui est d’ailleurs effective en Mauritanie. Au Sénégal, c’est un peu la pierre angulaire par rapport au code de la presse que les gens résument en ça mais qui dépasse ça. En tout cas, nous estimons que dans une démocratie, comme le Sénégal, la place d’un journaliste ne devrait pas être en prison.

ALAKHBAR: Le directeur de publication du quotidien «24 Heures-Chrono» a été toutefois emprisonné.

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: Oui. Ça c’était du temps de Wade la dépénalisation c’est une question devenue récurrente, mais ça ne veut pas dire  que les journalistes peuvent faire tout ce  qu’ils veulent par ce qu’on a dépénalisé les délits de presse. Nous pensons non. En tout cas notre crédo notre devise c’est que la liberté ne va pas sans la responsabilité. Il faut que les journalistes soient responsables.

ALAKHBAR : La presse a rapporté que l’Etat sénégalais allait fermer une entreprise de presse.

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: Je pense que c’est une fausse perception. Les gens mettent l’accent sur le groupe Walfadjri qui allait fermer du jour au lendemain. Mais je pense que c’est un problème de fiscalité. Le patron de ce groupe (Sidi Lamine Niasse) a fait prévaloir l’idée d’amnistie fiscale dont il aurait bénéficiée, lui et un nombre de ses confrères, de la part du régime de Abdoulaye Wade (ex-président sénégalais). Mais l’amnistie fiscale doit être ponctuelle, elle ne peut pas être valable tout le temps et en tout lieu.
Je ne pense pas qu’aujourd’hui l’Etat ait les moyens de fermer un organe de presse si les conditions de fermeture n’obéissent pas à la loi.

ALAKHBAR: Y a-t-il une collaboration entre le SYNPICS et le SJM (Syndicat des Journalistes Mauritaniens) ?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: Nous sommes membres de la FIJ (Fédération internationale des journalistes) et également de la FAJ (Fédération africaine des journalistes). Nous allons aussi trouver des passerelles pour essayer de fructifier ce qui existe, la base, voir les chantiers  que nous pouvons élaborer ensemble et faire en sorte que la cause des journalistes sénégalais comme mauritaniens puissent être entendus dans un territoire comme dans l’autre.

ALAKHBAR : Comment  appréciez-vous le traitement de l’actualité mauritanienne par les médias sénégalais ?

Ibrahima Khaliloulah Ndiaye: Même si la Mauritanie est un pays frontalier du Sénégal et, de part et d’autre, on retrouve une forte diaspora des deux pays, ce traitement n’est pas toujours vigoureux. Cela provient du fait que certainement les journaux sénégalais n’ont pas souvent de correspondant en Mauritanie, et ils ne mettent le focus sur ce pays que lorsque des citoyens sénégalais sont dans des difficultés ou victimes de quelques autres abus. C’est donc des bribes d’informations qui les parviennent.

Je pense qu’entre les deux pays de grands journaux devraient avoir un correspondant de part et d’autre. Je prends l’exemple d’un journal comme Le Soleil qui, avec son ambition sous-régionale, devrait, à défaut d’avoir un correspondant permanant en Mauritanie, pouvoir envoyer des missions régulières de journalistes pour faire des reportages.

Je pense que la Mauritanie, qui est toute proche toute voisine mérite qu’on s’intéresse à ce qui s’y fait de bien. Je suis persuadé qu’il y a une mine d’informations en Mauritanie pour les Sénégalais tout comme une mine d’informations au Sénégal pour les Mauritaniens.

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