lundi 1 juillet 2013

LA DÉLOCALISATION DU CENTRE D’ÉPURATION DE CAMBÉRÈNE EXIGÉE PAR LE CIDEC : Une bombe écologique qui menace les Parcelles, Pikine et Guédiaway

Les habitants de Cambérène sont décidés à s'opposer farouchement au projet d’élargissement de l'émissaire en mer dans leur localité. Au-delà des protestations qui durent depuis quelques années, le Comité d'initiative pour la défense de l'environnement de Cambérène (Cidec) a commandité une étude menée par une équipe pluridisciplinaire, dont les résultats ont été restitués hier dimanche, pour pouvoir apporter des arguments scientifiques et techniques motivant sa lutte pour la délocalisation de la Station d’épuration de Cambérène. 

D’innombrables dommages écologiques, sanitaires et économiques Pour ce comité qui bénéficie de la légitimité des autorités locales présentes à la conférence, la Station d'épuration de Cambérène (Step) constitue à l'état actuel la bombe écologique de Dakar qui peut exploser à tout moment. Il explique que les pannes au niveau de la Step ont créé une inondation de la Nationale 1 et de l’autoroute à péage pendant l’hivernage 2011, «les rejets sauvages de l’Onas, dans les Niayes pour pallier la baisse de l’évacuation par l’émissaire en mer participent à l’agression de (l)’environnement avec des conséquences écologiques irréversibles. La contamination des lacs situés dans la zone ont fini de provoquer une perte importante de biodiversité ; la mortalité des cocotiers est un fait révélateur du caractère dévastateur des eaux usées». Les conséquences sont énormes : pertes de champs dont les propriétaires n’ont pas été dédommagés, mais aussi d’une zone de pêche continentale. Pis selon l'océanographe Mamadou Faye qui a insisté sur le non traitement des eaux en pointant du doigt l'Onas dont dépend le Step, une menace permanente plane sur les habitants des Parcelles assainies, Patte d’Oie, Soprim, Impôts et Domaines, Guédiawaye, Pikine, Golf, Maristes, Dalifort et Yarakh, de même que les infrastructures routières. Pour sa part, Libasse Hanne le chargé de communication du Cidec pense qu’«à l'état actuel du développement de la science, c'est même une honte pour le Sénégal de jeter les eaux usées dans la mer au moment où les horticulteurs et les techniciens du Btp en ont besoin». 

Diarrhées, dermatoses et infections respiratoires sévissent à Cambérène N'excluant pas la possibilité de traduire l'Etat du Sénégal devant la justice; le Cidec s'appuie sur des arguments scientifiques, juridiques et culturels en conformité avec le code de l'environnement pour légitimer son combat. «Pourquoi Cambérène et non des zones non encore habitées. Pourquoi l’Etat ne veut pas tenir compte du statut de capitale religieuse de la communauté layène ?» s’interroge le Cidec qui regrettant qu’«on veut transformer un paisible village religieux, capitale de la communauté layène de surcroît, en dépotoir des eaux usées de tout Dakar», bat en brèche les arguments pour «faire croire que Cambérène est la solution pour régler les problèmes d’assainissement de la région de Dakar». Cela, dit-il, «relève de la désinformation car n’étant basée sur aucune argumentation scientifique». Le document du Cidec explique que «sur le plan geomorphologique, le littoral nord se trouve sur une pente ascendante qui fait que malgré une courantologie plus que dynamique, tous les courants marins convergent vers le rivage (…) C’est pourquoi contrairement à la petite côte, tout objet flottant finira forcément sa course sur la place, l’effet Archimède aidant». Et des analyses faites, il ressort qu’à 500m autour du tuyau, les taux de résidus secs sont très élevés, la pollution de l’eau très importante avec une demande chimique en oxygène (Dco) de 80, soit 28 à 50 fois la norme. Il est noté que «la présence des salmonelles, germes extrêmement pathogènes dans les eaux de rejet en mer présente un risque pour les baignades», mais aussi que «la présence de nitrates NH4+ dans les eaux de rejet en mer et dans les champs indique une pollution nette des eaux». 

78,5% des victimes des maladies liées aux eaux usées sont des enfants Pis, «des taux élevés de flore aérobie mésophile (de 3 à 15 fois plus que la norme), de coliformes thermo tolérants, de staphylocoques pathogènes et de streptocoques pathogènes dans les eaux en aval et en amont du puits de Ndingala (lieu de pèlerinage des layène dont l’eau est très convoitée)». Au vu de tous ces résultats, le Cidic estime qu’«il n’est pas surprenant que le taux de prévalence des dermatoses et des diarrhées soit élevé à Cambérène. Cette situation est donc à lier directement au déversement des eaux usées, compte tenu du fait que Cambérène est une zone de baignade autorisée. En outre, l’importance de maladies comme les infections respiratoires aigues et l’asthme est à lier à la présence régulière des mauvaises odeurs consécutives aux lachages d’eau ‘by pass’ du fait de l’absence de traitement d’une bonne partie des eaux reçues à la station d’épuration de Cambérène». En effet, indique l’étude outre le paludisme (31,63%), viennent les diarrhées et dermatoses (17,85%) suivies des infections respiratoires (15,30%). Les enfants avec 78,5% des victimes sont les plus touchés contre 16% pour les adultes et 6% de personnes âgées.

Près de 30 ans de lutte contre l’émissaire
Une lutte qui, dans la genèse faite de l’histoire de l’émissaire, date des années 84-85 quand feu Seydina Issa Laye II a refusé catégoriquement la construction de la station d’épuration pour évacuer les eaux usées sur Cambérène, village religieux dans lequel, son fondateur Seydina Issa Rouhoula Lahi, avait imposé des règles d’hygiène strictes (nettoiement obligatoire et interdiction de déverser des eaux usées et ordures dans les rues) qui faisaient que les gens s’y déplaçaient pieds nus. Quand après son rappel à Dieu les autorités ont relancé le projet, «les jeunes du village surexcités» avaient détruit les tuyaux en fibro-ciment qui devaient servir d’émissaire. Ce n’est qu’après d’âpres négociations qu’un accord a été trouvé, l’Etat s’engageant à reconstruire toute démolition pendant les travaux, à poser la conduite à 300 m du rivage et la priorisation des populations dans les recrutements. Des engagements non tenus, selon le document du Cidec. Pis «devant l’incapacité du technicien de l’époque à faire entrer la canalisation en mer, le tuyau fut laissé sur la plage (…) les autorités (…) méprisant royalement le désastre écologique qu’elles venaient de perpétrer». Cette station qui était paramétrée pour 100 000 habitants montra rapidement ses limites, rappelle le Cidec, avec l’explosion de la canalisation en octobre 2000 suite à son obstruction par les boues résiduelles et l’inondation de beaucoup de maisons dans le village. Mécontentes, les populations bouchent le tuyau à l’entrée du village créant ainsi un refoulement dans beaucoup de quartiers de Dakar. L’Etat opta alors pour la répression avec les sanglants affrontements du jeudi 19 octobre 2000 avant qu’un accord ne soit trouvé par «la réalisation d’un émissaire en mer à près de 300m» et «la réouverture du tuyau jusqu’en novembre 2001 pour permettre au gouvernement de trouver, avant cette date, une solution pour mettre un terme au déversement des eaux usées à la plage de Cambérène». L’Etat devait aussi équiper les structures sanitaires de la localité de matériels et médicaments pour lutter contre les infections. Pis le comité de suivi mis en place sous la coordination du ministère de tutelle n’a jamais fonctionné. Et 9 ans après, «en janvier 2010, contre toute attente, l’Etat annonçait en grande pompe un financement de l’Union européenne non plus pour mettre un terme au déversement comme le stipulait le protocole de 2000, mais plutôt pour agrandir l’émissaire et le porter à 1700m».
Mamadou Lamine CAMARA (Stagiaire) Publié le Lundi 12 janvier 2012

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